Le savon de Naplouse et les autres savons bios
L’invention de la « caustification » vers 800 à Alep permet de rendre la soude naturelle beaucoup plus efficace. En intensifiant la réaction des matières grasses aux cendres des plantes halophytes (salicorne et soudes essentiellement), la soude caustique permet la production de savons durs.

La fabrique artisanale de savons de Naplouse, dans la bande de Gaza
Diversité des savons bios
La technique s’est répandue peu à peu autour du bassin Méditerranéen. Si l’héritier le plus connu du savon d'Alep est le savon de Marseille, il existe de nombreux autres savons traditionnels, fabriqués selon la méthode ancienne.
Les productions espagnoles, qui se trouvaient en Castille, ont disparu. Elles ont néanmoins donné leur nom anglais à la grande famille des savons durs, qu’on appelle dans la langue de Shakespeare « Castile soaps » (savons castillans).
Cette famille comprend entre autre le savon de Naplouse, le savon à la rose et le savon à l’huile d’argan.
Le savon de Naplouse
Le savon de Naplouse est très ancien, et particulièrement bien connu au Moyen-Orient. D’abord fabriqué par les femmes, à l’intérieur de leur maison, pour la consommation familiale, il devient peu à peu une industrie, à partir du XIV° siècle. Au début du XX° siècle, il y avait plus de trente savonneries dans la ville, avant que la production ne décline, d’abord à la suite d’un tremblement de terre destructeur, puis des difficultés que connait la région.

Savon de Naplouse traditionnel
Il est fabriqué exclusivement à partir d’huile d’olive, et de soude provenant de plantes locales poussant sur les rives du Jourdain, traditionnellement préparée par les tribus bédouines. Le savon de Naplouse authentique est blanc, sans odeur, et on ne lui ajoute pas de parfums. Néanmoins, la principale savonnerie encore en exercice développe maintenant des versions de son savon avec des parfums végétaux.
Le processus de séchage est plus long que pour d’autres savons, puisqu’il dure environ trois mois. A la fin, le savon est emballé dans un papier ciré, aussi emblématique que peut l’être pour un français un papier de carambar.
La société Nablus Soap existe depuis plus de quatre cent ans. C’est une société familiale, et cette famille est tellement liée à l’histoire du savon de Naplouse que le mot utilisé pour désigner le coupeur de savon « Tubeili », provient du nom de famille des propriétaires, qui s’appellent Tubeileh.
Le savon à l’huile d’argan
Je vous ai déjà parlé plusieurs fois de l’huile d’argan, ce petit miracle cosmétique de mon pays. L’arganier est un arbre qui ne pousse qu’à l’état sauvage, dans le sud-ouest marocain. Traditionnellement, les femmes extraient de sa noix une huile qui peut être utilisée dans l’alimentation, ou dans la cosmétique.

Savon bio à l’huile d’argan
Avec le développement des coopératives, le savon à l'argan s’est développé. Un véritable savon traditionnel à l’huile d’argan est un concentré de bienfaits pour la peau. Il n’est pas fait à 100% avec de l’huile d’argan, car il serait hors de prix (cette huile de luxe peut atteindre plus de 130 € le litre). L’huile d’argan est mélangée au savon, fait à base d’huile d’olive, en fin de préparation, comme l’huile de baies de laurier pour le savon d’Alep.
Il ne faut pas confondre le savon traditionnel à l’huile d’argan avec les savons cosmétiques « à l’argan » qui se trouvent en grande distribution. Il faut bien vérifier qu’il s’agit d’un savon naturel, sans adjonction de parfum, d’agent tensioactifs, de conservateurs, qui lui feraient perdre une bonne partie de ses qualités dermatologiques et hypo-allergéniques.
Comme beaucoup de savons traditionnels, le savon à l’huile d’argan est fabriqué dans de petites unités de production, souvent des coopératives, et permet de générer un revenu d’appoint important pour les femmes.