Si le savon de Marseille a été une des premières A.O.C., puisqu’en 1688 Colbert publie un édit réservant l’appellation aux savons fabriqués à base d’huile d’olive dans la région de Marseille, ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, le nom « Savon de Marseille » fait référence à un procédé de fabrication traditionnel, qui peut, selon les normes européennes, contenir du suif, ainsi que des additifs (conservateurs, colorants, parfums).

Pyramide de savons de Marseille

Pyramide de savons de Marseille

Il faut donc bien distinguer entre le savon de Marseille « industriel » et le savon fabriqué par des savonneries traditionnelles (qui ne sont plus que six en France, dont cinq à Marseille). Car des savons respectant la « recette » peuvent être fabriqués aussi loin qu’en Chine.

Des ingrédients naturels

Pour faire du savon de Marseille, on a besoin de deux ingrédients principaux : une huile végétale et de la soude. On utilisera en plus de l’eau salée pour laver la pâte à savon en cours de fabrication. (D’où l’intérêt pour les savonneries d’être installées au bord de la mer).

A l’origine, le savon de Marseille était fait uniquement avec de l’huile d’olive, abondamment présente dans la région (tout comme son ancêtre, le savon d'Alep, qui utilise aussi de l’huile de laurier). Cette huile d’olive lui donne une belle couleur verte, caractéristique.

A partir de 1820, l’huile de coprah et l’huile de palme et même l’huile de sésame sont utilisées en remplacement de l’huile d’olive. Le savon de Marseille a alors une couleur blanc crème.

La soude utilisée pour le savon était initialement faite avec des cendres d’algues et de salicorne. L’invention du procédé Leblanc, en 1789, permet de produire cette soude à partir de sel marin. Très polluant, il a ensuite été remplacé par le procédé Solvay, à la fois plus économique est moins destructeur pour l’environnement.

Le savon se fabrique en quatre étapes

L’empâtage à chaud

On met dans une grande cuve, chauffée à 120° par de la vapeur d’eau, l’huile et la soude, avec éventuellement un peu de savon, et on mélange régulièrement. C’est la phase de saponification, qui va produire une émulsion, et de la glycérine. Celle-ci coule au fond de la cuve, et elle est retirée. L’empâtage dure environ huit heures.

La saponification du savon d'Alep

Cuve de savon d’Alep à la fabrique Al-Joubaili

La cuisson de la pâte

En rajoutant de la soude, on finit de faire réagir toutes les matières grasses, ce qui évite que le savon rancisse, ensuite. Cette cuisson supplémentaire prend environ quatre heures.

Le nettoyage ou relargage

Comme le savon ne se dissout presque pas dans l’eau salée, on utilise celle-ci pour nettoyer en profondeur la pâte (encore très liquide) obtenue. Cette phase est la plus longue (trois à quatre jours), pour enlever toute la soude. A la fin, la pâte obtenue est mise au repos, pendant trente-six heures, conservée à température, pour pouvoir être assez liquide pour la phase suivante (le moulage).

Le découpage du savon d'Alep

Le découpage du savon d’Alep – Savonnerie Al-Jebeili à Alep

Le coulage et le séchage

Le savon est coulé dans de grands moules situés en dessous des cuves, qui vont former de grandes plaques épaisses. Au bout de deux jours, il est assez ferme pour pouvoir être découpé en grands blocs de quarante kilos.

La première coupe des savons - gravure ancienne

Fabrication ancienne à Marseille : la première coupe

Ces blocs sont ensuite découpés en cubes de 600 grammes, et mis ensuite à sécher complètement, pendant environ deux semaines. Une fois sec, les cubes sont marqués avec un moule qui indique le nom de la fabrique, et pour les savons de grandes qualité, le pourcentage d’huile.

Coupage des pains de savon de Marseille au fil

Fabrication ancienne : coupage des pains de savon de Marseille au fil

Le séchage, selon la fabrique, se fera simplement dans des grandes pièces fraîches, ou bien sur des clayettes où l’air circule et où il peut être retourné, « comme un fromage » pour sécher plus rapidement.

Murs de savons d'Alep en fin de séchage

Savons d’Alep stockés en « murs » dans la fabrique, avant expédition

La comparaison entre les illustrations tirées d’une encyclopédie ancienne, du début du XIX° siècle, et des photos récentes prises dans une savonnerie d’Alep montre bien à quel point le procédé a peu évolué. En France, on utilise maintenant des couteaux électriques pour préparer les blocs de savon… c’est sans doute une des rares différences !

Les savons de Marseille « industriels »

Ils sont souvent fabriqués de façon moins artisanale, contiennent des additifs, des solvants et ne gardent le nom que pour des raisons marketing. Aussi, on perd tout le bénéfice de ce savon bio en les utilisant.

C’est pourquoi il faut bien faire attention à l’endroit où on achète son savon de Marseille : que ce soit dans une boutique en ligne, sur un marché, dans une boutique spécialisée, une grande surface ou directement à la savonnerie, regardez la composition, posez des questions…