Comme chaque automne, la campagne de vaccination facultative contre la grippe redémarre, avec, comme chaque année, son lot d’incompréhensions (ça ne peut pas marcher), de refus (les vaccins c’est le mal), avec des souvenirs de la polémique sur les vaccins finalement inutiles contre l’épidémie potentielle de grippe H5N1.

En plus, de nombreuses personnes confondent sous le même nom deux maladies totalement différentes : la grippe et le gros rhume. Si les symptômes sont assez semblables, les maladies ne sont pas les mêmes et n’ont pas le même degré de gravité.

Rhume, bronchite ou grippe, faire la différence

Il y a un excellent article avec de belles infographies chez le Pharmachien, donc si vous voulez rire un moment, allez-y, en attendant, pour résumer :

  • le rhume est une infection sans gravité, qui « passe toute seule » (dure une semaine sans le soigner, sept jours si on prend un médicament), qui se concentre sur le nez et la gorge et qui est due à un virus qui fait ce qu’il peut pour être méchant mais qui n’y arrive pas, qui peut appartenir à différentes familles de virus, la plus fréquente étant celles des rhinovirus ;
  • la grippe, dont le véritable nom scientifique est « influenza« , est une infection potentiellement grave, qui peut même être mortelle, qui doit donc être soignée, qui s’accompagne de fièvre et qui peut permettre l’apparition d’autres infections (otites et pneumonies étant les plus fréquentes), due à trois familles de virus ;
  • la bronchite, enfin, est une infection localisée dans les bronches, due essentiellement à un virus, parfois à une bactérie, qui va se caractériser par une toux sèche au début, puis par des crachats, sans que le nez soit bouché, qui disparait naturellement chez la personne en bonne forme.
Femme alitée en train de se moucher

Le rhume et la grippe ont des symptômes communs

La grippe se reconnait à la fièvre, c’est la seule de ces trois maladies qui s’accompagne systématiquement :

  • d’une fièvre réelle (plus de 38,5°) qui va durer entre deux et quatre jours,
  • de maux de tête
  • de douleurs musculaires et articulaires
  • d’une faiblesse générale
  • d’une perte d’appétit

et éventuellement :

  • de douleurs lorsqu’on avale
  • d’une voix enrouée
  • de nausées et vomissements

De plus, la grippe vous laisse souvent « à plat » pour une durée plus importante

La grippe est une maladie mortelle

Bien sûr la grippe ne tue pas tout le monde. Mais elle reste une cause de mortalité importante, directement ou indirectement (à cause des autres maladies dont elle facilite l’arrivée).

En France, elle tue directement entre 2.500 et 3.000 personnes par an, mais elle est indirectement responsable de plus de 18.000 décès par an. Ces chiffres sont à peu près les mêmes dans les différents pays occidentaux.

Cette mortalité peut très fortement augmenter en cas de virus particulièrement agressif : cela a été le cas avec la fameuse épidémie de grippe espagnole dont le virus de type H1N1 s’est attaqué à des populations fragilisées par les privations de quatre années de guerre. En deux ans (1918-1919) la grippe espagnole a fait quarante millions de morts. Les grippes asiatique et de Hong-Kong, dans les années 60, ont fait beaucoup moins de victimes (leurs virus étaient de type H2 et H3, moins virulents, et les possibilités de soigner les complications beaucoup plus efficaces).

Photo en noir et blanc montrant de nombreux lits

Salle d’hôpital provisoire remplie de malades de la grippe espagnole

Aujourd’hui, les mutations les plus craintes sont H5N1 (grippe aviaire de 1997) et H1N1

De plus, la grippe est très contagieuse. Elle se transmet par les voies respiratoires, et se déclare très rapidement.

La grippe ne se « soigne » pas bien

En dehors de la vaccination, il existe des médicaments anti-viraux, dont le célèbre Tamiflu, mais leur efficacité est limitée : ils doivent être pris à titre préventif ou au plus tard, pour le Tamiflu et le Relenza dans les 48h suivant l’apparition des symptômes, après ils ne servent plus à grand chose. En effet, leur principe est de perturber le cycle de réplication du virus, donc de diminuer la charge qui attaque l’organisme. Pris trop tard, ils ont un effet trop limité.

Le reste des traitements a surtout pour objectif de limiter les effets de la grippe :

  • faire diminuer la fièvre
  • remonter les défenses immunitaires
  • lutter contre les autres infections

C’est le point commun entre un rhume et une grippe : pour une personne autrement en bonne santé, soigner ne sert quasiment à rien, sinon a améliorer le confort de la personne malade.

Femme avec un thermomètre, se tenant la tête

Fièvre et mal de tête : c’est la grippe

Le vaccin contre la grippe n’est pas une assurance à 100%

Identifier « le bon virus »

« Le » virus de la grippe est en réalité un ensemble de virus, qui mutent régulièrement. On les désigne par des formules, H1N1, H2N3, etc. qui font référence aux deux branches du virus :

  • le H pour l’hémagglutinine (pour l’instant on va de H1 à H17) qui permet de coller (agglutiner) le virus sur la cellule qu’il compte infecter
  • le N pour la neuraminidase (qui va, toujours actuellement, de N1 à N9), qui va casser les cellules pour permettre au virus de se propager et qui se sent particulièrement bien, entre autres, dans les bronches et tout l’appareil ORL. C’est à cause de la neuraminidase qu’on se mouche et qu’on tousse.

Chaque type de H peut être combiné avec chaque type de N, soit plus de 150 combinaisons. Toutes les combinaisons ne rendent pas l’homme malade, d’une part, d’autre part, chaque année, on peut voir apparaître une nouvelle mutation.

Canard mandarin

Le canard est porteur sain de la plupart des virus de la grippe

Parmi les combinaisons qui rendent l’homme malade, on a identifié trois groupes : le groupe A, avec les virus H1N1 ou H1N5, les plus violents, est responsables des grosses épidémies (grippe espagnole…), les groupes B et C sont responsables des petites épidémies annuelles qui restent normales.

Chaque année, les réseaux d’épidémiologie essayent d’identifier de façon précoce le cocktail de virus qui va nous attaquer, pour préparer le bon vaccin adapté aux principales combinaisons HxNy qu’on attend. C’est d’autant plus difficile que le virus de la grippe mute beaucoup spontanément, on risque toujours de se trouver face à une nouvelle variante. C’est ce qui s’est passé l’année dernière, avec une faible protection, car le virus le plus présent, H3N2, ne faisait pas partie du cocktail.

Une protection limitée

De plus, même quand on cible des bons virus, le vaccin contre la grippe annuelle a deux limites :

  • il ne diminue le risque de contracter la maladie « que » de 50% (ce qui, pour une maladie potentiellement mortelle, est déjà énorme)
  • il ne stimule les défenses immunitaires que de façon très légère, le vaccin n’a pas d’adjuvant (une substance qui va stimuler la réponse de l’organisme) son efficacité disparait au bout de 6 à 12 mois

Le vaccin est destiné en priorité aux personnes fragiles

La politique de santé en France s’appuie donc chaque année sur une campagne de vaccination contre la grippe, destinée en priorité aux personnes les plus fragiles : les personnes âgées, les femmes enceintes, les personnes atteintes de certaines maladies peuvent se faire vacciner gratuitement.

Il est important aussi de vacciner les jeunes enfants, d’autant plus que ce sont eux qui transmettent le plus le virus de la grippe. Mais ceux-ci ne font pas partie de la campagne de vaccination gratuite, qui ne s’adresse qu’aux plus de dix-huit ans.

Cette vaccination, en étant limitée à une partie de la population, n’empêchera pas la grippe. Par contre, en particulier dans les écoles et les garderies, si un nombre suffisant d’enfants est vacciné, un effet de horde va jouer, et protéger aussi, indirectement, les enfants non-vaccinés, qui seront moins en contact avec le virus. Cet effet de horde joue aussi pour les adultes, en particulier ceux qui sont au contact des populations à risque (enseignants, personnel soignant, etc.)

Les résultats : une protection d’environ 70% à 90% contre la maladie chez l’adulte en bonne santé, une réduction des hospitalisations de 25% à 39% chez les personnes âgées, une réduction de la mortalité globale de 39% à 75% durant la saison de la grippe. (Mortalité globale : y compris d’autres causes, dont toutes les maladies induites par une grippe).

Alors pourquoi réduire la vaccination aux personnes à risques ? Pour des raisons économiques, tout simplement. Les capacités de production des vaccins ne suffisent pas pour tout le monde, il faut aussi dédier une capacité de production aux vaccins contre les formes graves (groupe A), donc la vaccination de gens qui vont supporter sans véritable problème la grippe « ne vaut pas le coup ».

Les vrais et les faux risques du vaccin anti-grippal

En partie à cause des polémiques sur l’achat de vaccins contre la grippe H1N1 qui se sont révélés injustifiés, en partie à cause des polémiques générales sur l’utilisation des vaccins, en partie à cause de l’innocuité apparente de la grippe, en partie à cause des « ratés » de protection quand on vise le mauvais virus, le vaccin contre la grippe a mauvaise presse, les gens hésitent à se faire vacciner.

Voici les principaux éléments pour vous permettre de prendre une décision. (En dehors des risques de mortalité qu’on a déjà vu en détail plus haut). Le vaccin contre la grippe n’a pas d’adjuvants, et il est possible de trouver des vaccins sans conservateur à base de mercure.

Un crâne percé d'aiguilles

Le vaccin : une substance active qui présente des risques, moins importants que la maladie.
Photo © Dave Nitsche

Le vaccin contre la grippe est un vaccin inactivé sans adjuvent

Les vaccins inactivés sont ceux dans lesquels le virus a été tué, ce qui diminue leur dangerosité.

Comme cela diminue aussi la réaction du système immunitaire et la production d’anticorps, on leur rajoute généralement un adjuvant, pour pousser une plus forte réaction.

Ces adjuvants sont au choix, des huiles ou de l’aluminium.

Les vaccins contre la grippe utilisés en France ne contiennent pas d’adjuvant (à l’exception du Gripguard et du Tetragrip), ce qui supprime les risques de réaction grave (maladies auto-immunes et syndrome de Guillain-Barré)

Le vaccin contre la grippe ne contient pas de thiomersal ou de dérivés de mercure

Le thiomersal est un conservateur qui permet de diminuer fortement le coût du vaccin. Il contient du mercure. Le thiomersal est scruté depuis plusieurs années par les agences de santé, notamment par la FDA. On l’a accusé d’être responsable de l’autisme, sans que l’arrêt de son utilisation diminue les cas d’autisme. Aucune étude épidémiologique n’a pu, prouver, pour l’instant, un risque important. Néanmoins, ces vaccins ne sont pas distribués en France.

Risque de réaction allergique à l’oeuf

Les vaccins contre la grippe sont cultivés sur des souches d’oeufs. Il y a donc un risque d’allergie pour les personnes sensibles aux oeufs.

Le risque de la perte d’immunité à terme

Depuis l’épisode de H5N1, on a remarqué que les patients âgés, qui avaient déjà rencontrés les souches A, en particulier H1N1, avaient une bien meilleure résistance aux virus actuels, quels qu’ils soient.

La question est donc posée (notamment par le Docteur Dupagne) : en vaccinant avec des souches inactivées qui donnent une immunité très provisoire, est-ce qu’on n’empêche pas des personnes jeunes de développer des anticorps qui les protégeront durablement ?

Sachant qu’en même temps, les laboratoires travaillent pour développer un vaccin unique, sur cette base, qui pourrait donner une immunité beaucoup plus durable.

Calendrier et seringue

Le rendez-vous pour le vaccin contre la grippe : un choix personnel

En conclusion, se faire vacciner contre la grippe ou pas ?

Un vaccin, comme tout médicament, est un choix entre deux risques, celui des effets indésirables et celui de la maladie. Les risques liés au vaccin contre la grippe sont particulièrement bas, le risque de la grippe dépend de chaque personne.

Si vous êtes bien portant, que vous ne travaillez pas en milieu scolaire, hospitalier ou de maison de retraite, le vaccin est sans doute inutile. Dans tous les autres cas, vous avez le choix, le mieux est d’en parler avec votre médecin.