Il est de plus en plus fréquent que des femmes voilées viennent en consultation à l’hôpital, et qu’elles ou leur mari refusent de se faire ausculter / soigner / examiner par un personnel médical masculin. Cette situation est difficile à gérer, des deux côtés, et elle peut parfois dériver, comme ce cas récent où l’aide-soignant a reçu un coup de poing.

Comment gérer, et que dit la loi ? C’est un aspect qui est très peu abordé lors de la formation d’aide-soignant, on se sent souvent désarmé.

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Religion ou pudeur, la patiente a le droit de choisir qui l’examine

Cela peut vous surprendre, mais de nombreuses femmes, même non-musulmanes, puisqu’il faut mettre les mots sur la chose, n’aiment pas être examinées par un médecin homme, en particulier pour les examens gynécologiques.

Et il suffit de suivre le blog de Martin Winckler, par exemple, pour voir que cette attitude est largement partagée et surtout qu’elle est basée sur quelque chose de réel : l’attitude des médecins gynécologues et obstétriciens est loin d’être toujours parfaite, entre abus réels mais rares, examens « toute nue » inutiles ou opérations inutiles comme « le point du mari ».

Depuis que les hommes ont chassé les sage-femmes pour les remplacer par des médecins (à ce sujet, je vous conseille la remarquable série historique « Les Accoucheuses« ), le relationnel entre la femme enceinte, qui souhaite l’être ou au contraire ne pas l’être, est compliqué.

Quelles que soient ses raisons, c’est son droit le plus strict de choisir qui l’examine et qui la soigne et, sans faux prétextes de laïcité, c’est l’obligation de l’institution de répondre à ce choix, dans la mesure où c’est possible et où il n’y a pas d’urgence médicale.

Les nécessités médicales réelles priment

Par réelles, il faut comprendre que :

  • s’il y a une urgence médicale, elle est plus importante
  • si l’organisation du service fait qu’on ne peut pas confier la personne à une aide-soignante ou une infirmière sans perturber gravement le service (personne n’est disponible avant plusieurs heures)

alors cette nécessité médicale doit être expliquée à la personne, en prenant plus ou moins de temps en fonction de l’urgence médicale ^^, pour la convaincre.

C’est un dialogue : la personne doit se sentir respectée dans sa demande, elle doit aussi comprendre que l’hôpital ne peut pas modifier tout son fonctionnement juste pour elle. Mais si à ce moment là une aide-soignante ou une infirmière est disponible, il reste assez simple d’échanger les tâches…

L’aide-soignant ne doit pas se sentir remis en cause personnellement

Ce n’est pas lui personnellement qu’on accuse d’être un gros porc lubrique prêt à se rincer l’oeil sur une femme au ventre proéminent…

Non, ce n’est pas cela, et la réponse que j’ai lue quelque part « quand je soigne, je n’ai rien dans le pantalon » n’est pas appropriée, parce que ce n’est pas à ce niveau-là que cela se passe.

Comme je l’ai dit, il y a d’abord l’expérience de la femme. Elle peut avoir vécu beaucoup plus mal qu’une non-musulmane des examens où on lui demande de se dénuder sans nécessité.

Ensuite, il y a la prescription de la religion… elle s’adresse à tous les hommes, même s’ils sont vertueux. C’est une version bien plus prononcée de la pudeur, cela reste de la pudeur.

La laïcité à l’hôpital ?

Je reprendrai simplement ce qui a été dit dans un très bon article (c’est d’ailleurs en le lisant que j’ai voulu partager mon expérience) : la laïcité, ce n’est pas l’interdiction d’une croyance, ou une opinion, c’est le fait de laisser la liberté aux personnes de suivre leur croyance, et de ne pas leur imposer les nôtres.

Dans ce cadre, le personnel soignant doit rester neutre, d’abord et avant tout parce qu’il représente, toujours, un pouvoir par rapport à la personne malade.

Respecter la laïcité, c’est donc, dans la mesure du possible, respecter le souhait de la personne de se faire examiner par une femme.

La violence, en tout état de cause, est inadmissible

De l’autre côté, quoi qu’il arrive, la violence est inadmissible et injustifiable. On a toujours le recours de revenir plus tard, changer d’endroit.

Il devrait aussi être possible de discuter. Si les époux savent quels sont les soins qui vont être pratiqués, s’ils ont la conviction que le déshabillage va être réduit au minimum, si le mari peut assister aux soins, bref, s’ils se sentent respectés dans leur demande de pudeur, les choses se passeront bien.

Si elles se passent mal, le mieux, pour la mère et le futur enfant, est d’éviter tout stress, et de dire simplement « désolé, c’est impossible, il faut reprendre un rendez-vous ».

Pour information, que dit le Coran ?

Je ne suis pas une savante, mais dans l’Islam, la vie est plus importante que tout. Même l’interdiction de l’alcool ou de manger du porc ne doivent pas être respectées si ces éléments sont nécessaires à la guérison d’une personne. Mais cela n’empêche pas de faire des recherches pour trouver d’autres méthodes !

De la même façon, la femme doit être soignée, et son mari n’a pas le droit de la mettre en danger en interdisant les soins, d’une façon ou d’une autre. De son côté, le soignant doit respecter la femme… en pratique les choses sont beaucoup plus faciles dans les pays musulmans, car les femmes savent que les hommes qui vont les examiner sont des praticiens musulmans, et respectent leur pudeur.

Un exemple tout simple ? Quand vous êtes en consultation chez un médecin, et que vous devez vous déshabiller, son assistante est présente. Même si elle ne fait rien, la présence d’une seconde femme rend les choses beaucoup plus faciles.