Je n’ai pas la vision du relief !
En préparant notre dossier, nous avons découvert que notre webmaster avait ce problème. On l’a donc trainée devant le clavier, pour qu’elle nous raconte sa vie !
Je crois que, de naissance, j’avais une bonne vue. D’après ce qu’on m’a dit, j’ai eu, très jeune, à quelques mois, un coup de chaleur, et je me suis brusquement mise à loucher très fort. Panique à bord, opthalmos, ports de lunettes, séances d’optométrie… peine perdue, je fais partie de ces enfants qui n’ont jamais eu de vision binoculaire… Je garde un très mauvais souvenir de ces séances pendant ma petite enfance, jusqu’au primaire je devais porter un cache sur l’oeil, pour « réactiver l’autre », faire des exercices sans fin où je devais arriver à faire entrer le perroquet dans la cage.

Mettre le perroquet dans la cage : un exercice de la vision binoculaire
Le strabisme a peu à peu disparu, je continuais de porter des lunettes et d’être maladroite. Aujourd’hui encore, je préfère rapprocher le verre de la bouteille avant de verser, pour être sûre que je ne vais pas en mettre à côté. Je me souviens du salon de mes parents, ils avaient des divans, sans accoudoirs, et pas des canapés, et il arrivait, parait-il, quand j’étais petite, que je continue à « marcher » une fois arrivée au bout du divan… et donc que je tombe dans le vide.
Bref, plaies et bosses, et assez nulle en sport. Les jeux de balles n’ont jamais été ma tasse de thé, alors qu’en vacances, la grande passion familiale c’était le tennis. Une toute petite balle, que je devais toucher une fois sur dix. Le volley, ça allait encore, et le mini-golf, parce qu’on avait le droit de rapprocher son club de la balle avant de frapper.
Par contre, le vrai golf, avec ce mouvement tournant du swing, qui m’oblige à changer d’oeil avant de frapper, on oublie ! J’ai massacré la pelouse d’une amie fan de golf qui m’avait dit que « si, si, tu vas y arriver ».

Peine perdue ! Photo CC BY NC ND de Tord Sollie
J’étais aussi très mauvaise en gymnastique, et j’ai cru ne pas aimer le sport, jusqu’au moment où j’ai découvert, adulte, la salle de sport, le stretching, l’aérobic, les appareils de musculation, bref tout ce qui fait faire un effort « les yeux fermés ».
En lisant votre article, j’ai découvert aussi que les difficultés que j’avais en primaire étaient sans doute liées à ma vision monoculaire : j’étais intelligente, je ne souffrais pas de dyslexie, j’apprenais bien mes leçons, mais j’écrivais très lentement, j’étais toujours en retard pour les exercices en temps limité, les devoirs à faire sur place. J’avais du mal à finir, alors que je savais ce que je devais mettre.
Paradoxalement, mon unique oeil actif voyait très bien, dès qu’il pouvait différencier suffisamment grâce aux contrastes de couleurs. Je pouvais repérer facilement une épingle par terre. J’étais aussi plutôt bonne en dessin.
Malgré tout, je reste surprise, aujourd’hui, que mes parents n’aient pas compris ce qui se passait. L’opthalmo avait manifestement identifié le problème, mais il avait dû ne pas l’expliquer correctement à mes parents. Je me suis fait houspiller à cause de ma maladresse pendant toute mon enfance ! Quand je revois mes difficultés à l’école, je me dis que beaucoup de choses auraient pu être plus simples si « on avait su » (au moins vis à vis des professeurs).
En grandissant, j’ai appris à identifier différemment les distances. Dès que j’ai des repères que je peux intellectualiser, comme le nombre de bandes qui me séparent d’une voiture, sur la route, le nombre de marches sur un escalier, je « sais » à quelle distance ou quelle profondeur cela correspond. Quand j’ai descendu suffisamment de fois un trottoir, je « sais » quelle est la profondeur entre le trottoir et la rue.

L’appréciation des distances de sécurité est relative à l’environnement !
Photo CC BY NC SA de Lulu
Par contre, si je suis dans un environnement qui ne m’est pas familier, mon cerveau panique, et je me retrouve avec un vertige presque paralysant. Ce n’est pas un vertige classique, je n’ai pas peur de la hauteur en soi, mais de la perception d’une « sorte de hauteur » que mes yeux et mon cerveau n’arrivent pas à quantifier.
C’est pour cela que je peux me retrouver sans problème dans une nacelle de montgolfière (je « sais » où je suis) et paniquer sur le bord d’une station de métro, quand les couleurs du quai ou des rails sont différentes de celles auxquelles je suis habituée, ou simplement, quand je suis fatiguée, en « mode automatique ».
Au début, la montagne était un véritable calvaire. Quand je suis partie au Maroc, nous habitions à Ouarzazate, et il fallait faire quatre heures de route sinueuse d’une montagne escarpée pour revenir à Marrakech. Durant les premiers trajets, j’étais incapable de regarder la route, mais avec l’habitude, je profite du paysage !
J’ai peu de problèmes pour conduire de jour. J’ai vraiment appris à estimer les distances et, par précaution, je laisse toujours une bonne distance de sécurité entre moi et la voiture qui me précède. Les distances latérales sont plus difficiles à estimer avec un véhicule que je ne connais pas. Je suis le type de personne qui va être « un tout petit peu trop loin » du distributeur de tickets, à l’entrée de l’autoroute, vous faisant perdre quelques secondes précieuses.

Vision nocturne – Photo CC BY ND de John Dyndale
La conduite nocturne est beaucoup plus difficile. J’avoue que je n’aime pas, d’abord ma vision est moins bonne (j’ai un autre défaut, je suis astigmate), et surtout je perds la plus grande partie de mes repères. Quand une voiture arrive en face, sans perception du relief, je ne sais pas si elle est « vraiment en face », ou « en face mais de côté, sur sa voie », ni à quelle distance elle se trouve. Je double donc très rarement ! C’est stressant et fatiguant. En plus, ici, au Maroc, les rues ne sont pas bien éclairées le soir, les routes encore moins.
Je sais que je ne vois pas le monde comme vous. N’ayant jamais eu cette vision binoculaire, il n’y a aucun repère qui me permette de comprendre la 3D. Les films en 3D, les illusions d’optiques sont un mystère pour moi, le monde est plat, comme une photo. C’est peut-être pour cela que j’aime la photo d’ailleurs !
Avoir ce tout petit handicap, qui est finalement assez peu gênant, m’a permis de comprendre, d’une manière nettement plus large, la relativité de nos perceptions, et la quantité d’a priori dans notre perception du monde, et de la façon dont les autres perçoivent notre environnement.

Deux visions du même monde, tout est relatif
Photo CC BY EladeManu
D’ailleurs, saviez vous qu’environ une personne sur dix a le même problème que moi ?
bonjours,
heureuse de savoir que je ne suis pas la seule a n’avoir pas de vision binoculaire de naissance.
je me retrouve dans le premier témoignage (je n’ai pas le nom), mais j’ai vécu la même chose petite, maladresse, relief… Aujourd’hui j’ai appris apprivoiser ce défaut, mais je continue d’être maladroite…
J’ai 81 ans donc je n’ai jamais été opérée. Strabisme divergent. Sans arrêt on me disait d’ouvrir l’oeil qui était strabique lorsque je lisais, j’ai eu mon permis la 2e fois avec indulgence mais je n’ai pas conduit après, même avec des cours supplémentaires de conduite. Il n’y a pas si longtemps que j’ai appris que je ne voyais pas les reliefs. Mes dessins de perspective étaient nuls alors que ceux appliqués « à plat » étaient corrects. En sport (athlétisme j’étais bonne en course mais « les couloirs » me gênaient) ; beaucoup de plaies et bosses. Maintenant, régulièrement je passe trop à droite des portes et murs… etc… Courage pour les plus jeunes. A mon âge cela n’est plus grave du tout et pour faire un peu d’humour : « verrais-je la mort en face ?? » Pas sûr!!
Merci pour votre témoignage,
Souffrant d’un strabisme moi aussi, je suis d’une génération où on ne mesurait pas toutes les conséquences d’un tel handicap.
J’ai eu beaucoup de mal à apprendre à écrire, et en particulier avec la plume et l’encrier. Je devais probablement avoir beaucoup de mal à viser l’encrier ! Je ne sais pas comment j’ai trouvé le truc un jour pour écrire correctement, mais toujours beaucoup plus lentement que les autres.
A la cour de récré, il était obligatoire de jouer au ballon, (foot en général) J’étais régulièrement sanctionner car je ne jouais pas. Je ratais tout et je me faisais engueuler par les copains, du coup je me mettais à part.
Du mal à apprendre à conduire, bien sûr.
Et je pose toujours le goulot sur le verre pour servir le vin.
Actuellement, j’ai une activité avec un peu de labo, mais pas trop. Problème pour pipeter ou verser un produit.
Bien cordialement,
J’ai 70 ans et comme vous n’ai jamais connu la vision binoculaire.
Strabisme important dès la plus petite enfance, opéré à 4 ans et 18 ans.
Mon plus ancien mauvais souvenir est lorsque j’étais sur un manège de chevaux de bois et que l’on me donnait un bâton pour attraper au passage des petits crochets métalliques au passage, je n’en est jamais attrapé, quel honte !
Ensuite ma maladresse ét
J’ai eu le meme probleme que vous depuis l’enfance (hypermetrope et amblyope). J’ai ete tres bien operee a l’age de 3 ans (strabisme convergent resistant au traitement) puis ai fait une quinzaine d’annees de reeducation chez l’orthopiste (pas 52 semaines par an, tout de meme, mais a raison de 1-3 seances par semaine quelques mois par an). Contrairement a vous, j’ai adore les seances: il faut dire que j’ai eu 2 orthoptistes super (la premiere etait nulle, comme le chirurgien nous l’a confirme).
J’ai le meme probleme que vous de vertige, notamment quand je n’ai pas de reperes visuels. Par exemple, quand j’avais une audition de violon, comme ca se passait dans un auditorium ou une salle de concert, le ‘vide’ entre moi (sur la scene) et le jury (dans la salle) me donnait le tournis. En plus si c’etait dans une salle de concert, on ne voyait pas bien les murs de la salle parce que seule la scene etait eclairee, la salle elle-meme etait plongee dans l’obscurite (c’est impressionnant quand vous etes un enfant). Comme on avait generalement le droit d’amener sa partition, j’apportais un pupitre sur scene, pas parce que je ne savais pas mes notes, mais pour me donner un point de reference vertical (je ‘m’accrochais’ au pupitre mentalement, comme a une bequille) et combattre le vertige. Quand on n’avait pas droit a la partition, je ‘m’accrochais’ au piano de l’accompagnateur, le seul probleme etant que cela m’amenait parfois a tourner progressivement le dos a la salle et au jury!
Vous mentionnez que « Quand une voiture arrive en face, sans perception du relief, je ne sais pas si elle est « vraiment en face », ou « en face mais de côté, sur sa voie ». C’est exactement ce qui m’arrive! J’habite en zone rurale, et ce n’est que petites routes etroites, avec des talus, plein de tournants, et non eclairees la nuit. J’ai horreur d’etre dans une voiture comme passagere, j’ai toujours l’impression qu’on va entrer en collision avec la voiture qui arrive en face, et je ne vois pas non plus a quelle distance elle est de nous. C’est hyper desagreable. J’ai pris des cours, mais meme de jour, je n’aimais pas conduire, et en plus les lecons sont hyper cheres et me bouffaient tous mes weekends (le prof avait tendance a annuler ou deplacer le rv au dernier moment donc il fallait que je reste ‘disponible’) donc j’ai fini par abandonner et franchement je ne regrette pas!
Merci pour cet article, je le montrerai autour de moi aux gens qui ne comprennent pas pourquoi je suis si nulle en jeux de ballons et pourquoi des lecons de golf ou de tennis seraient de l’argent gache!
Merci pour ce témoignage. Vous expliquez très bien comment on arrive à développer des stratégies pour pallier aux plus gros problèmes.
Bonjour,
J’ai une fille de 4 ans, à qui a été diagnostiqué une vision monoculaire, quand elle avait 1 an.
Jusqu’au moment, j’ai accepté, mais j’avais pas compris ce que c’etait vraiment.
En lisant ce texte, je viens de mieux comprendre ma fille, mais je ne sais pas, concretement, ce que je peux faire pour l’aider…
Autant qu’enfant en maternelle, quelles sont les obstacles que s’impose? Lire, écrire,déssiner…?
Quelqu’un peut m’aider?
Merci bien
Bonjour merci beaucoup pour ce texte. J’ai 43 ans et je n’ai compris que depuis quelques années que je ne voyais pas comme les autres. Que de moqueries de souffrances tant dans l’enfance que plus tard lors de partie de badminton en famille… aujourd’hui encore il est très difficile de faire comprendre que ma vision est différente et l’opération subie à 5 ans avait corrigée l’esthétique mais pas le handicap. Personne ne l’avait expliqué à mes parents.
bonjour!
Je n’avais encore fais jamais aucune recherche sur cela, alors que je suis directement concernée, je suis astigmate hypermétrope sans vision binoculaire.
Je me reconnais totalement dans votre article.
J’ai été opérée enfant des yeux, et j’ai eu mes premières lunettes à l’âge de 6 mois.
Je conduis, mais cela me demande une concentration énorme.
J’évalue mal les distances (j’ai pris un portail au travail il y a peu, pensant pouvoir passer).
Je suis d’une maladresse à pleurer, et j’ai des vertiges quand je passe des tunnels.
Merci pour votre article
Bonjour,
avez vous une compensation financière pour la déficience monoculaire de votre oeil ?
bonjour,
très intéressant cet article,
j’ai 61 ans, opérée à 3 ans ‘dans les années 55,65 on opérait à tour de bras les strabiques convergents et divergents.
d’après mon ophtalmo c’était une grosse erreur il fallait rééduquer…
pour ma part comme tous les non binoculaires je suis incapable de jouer avec des balles ou ballons,
j’ai fait de la rééducation pendant des années et hormis le mal de tête n’ai jamais pu voir le cow boy avec 1 pistolet dans la main gauche et lasso dans la droite… c’était le pisttolet ou le lasso qui disparassait selon l’œil qui regardait.
bien entendu l’opération m’a rendue astigmate au plus haut point !
En fait je vois de près avec l’œil droit et de loin avec l’oeil gauche.
j’ai passé mon permis à 38 ans à la suite d’un pari perdu.
le code pas de souci : 35/35 1er coup
la conduite par contre il m’a fallu 58 leçons et une monitrice géniale qui est sortie de la voiture et m’a dit : faites le tour du paté de maison et revenez me prendre…elle risquait son job ! gràce à elle, j’ai pris un peu confiance et suis allée me présenter : je l’ai eu à la 2ème fois car heureusement l’examinateur ne m’a pas fait faire de créneau (pour la lecture d’une plaque d’immat c’était simple, il demandait de lire la sienne et tout le monde la connaissait (merci monitrice)
depuis je conduis mais pas en territoire inconnu, il me faut repèrer les lieux avant,
se garer entre 2 véhicules est impossible, et en épi je cherche toujours une place bien large car j’ai bosselé pas mal de véhicules et touché bien des poteaux. il me faut la place d’un camion pour garer une 104.
si vous voulez passer le permis surtout n’en parlez pas.
P.S : les portes ouvertes me rentrent toujours dedans ainsi que les coins des meubles etc…
Bonjour
merci pour votre témoignage. Effectivement, opérer si jeune est très risqué, puisque l’oeil n’est pas encore assez formé, et les résultats de l’opération vont être modifiés par la croissance.
Bonjour, cet article est vraiment intéressant!! Je suis strabique depuis toujours et je n’est pas de vision binoculaire… Mais personne ne m’a vraiment mise au courant, j’ai du cherché moi-même sur internet la réponse…et je viens juste d’apprendre que j’avais cette vision (j’ai 15ans). Je me fais fâchée par mes profs de sport (et mes parents) pour mon niveau bas en badminton car je tape toujours quelques cm a coté… Et je suis vraiment très maladroite… En fait tous ce que tu a pu raconter au sujet de ton enfance…je suis en train de le vivre… C’est quelques peu embêtant d’être toujours la dernière à finir son contrôle ou être la dernière à être choisie pour faire partie de l’équipe de basket… Bref…ton article m’a bien plu!! 😉
bonjour,
je suis mal voyant et je ne suis pas sure d’avoir une vision binoculaire.
quelle est ta puissance visuelle en 10 emes.
tu me rassure car ainsi, je pense quand mame pouvoir conduire
Bonjour Kevin
j’ai posé la question à notre webmaster, voici sa réponse :