C’est rare qu’on relaye des pétitions sur MedicActu, mais celle-là, on soutient à 300% : soutenir la profession d’herboriste en train de disparaître en France, en recréant officiellement le métier d’herboriste, ce qui permettra de développer des formations diplômantes.

L’herboriste est-il un concurrent du pharmacien ?

Le métier d’herboriste a été autorisé en France au Moyen-Âge. Il a été interdit sous Vichy, le régime de Pétain cédant à la corporation des pharmaciens, qui voyaient dans les herboristes des concurrents dangereux. Alors que les deux professions avaient coexisté harmonieusement pendant des siècles, il devenait soudain urgent, pour les pharmaciens, de faire disparaître une pratique encore très répandue dans les campagnes.

Capitalisme quand tu nous tiens…

L’histoire des professions médicales permet de comprendre comment, peu à peu, l’herboristerie est devenue une spécialité indépendante.

Enluminure représentant un apothicaire en France (XV° siècle)

Enluminure représentant un apothicaire en France (XV° siècle)

Au commencement, donc, était « le soignant ». D’après ce qu’on sait des premiers « documents » médicaux (essentiellement égyptiens), la médecine était une pratique où les médicaments étaient à la fois pratiques et magiques. On chargeait certaines substances de propriétés, des remèdes devaient être administrés avec des formules magiques…  déjà à l’époque, on soignait « allopathiquement » ou « homéopathiquement« .

Mais en l’absence de chimie moderne, le médecin tirait ses ingrédients exclusivement de la nature, et des trois règnes, animal, végétal et minéral. L’herboristerie n’était pas individualisée, et les ingrédients étaient majoritairement végétaux.

Et dès les débuts, il s’est trouvé des charlatans. Au début du Moyen-Âge, ce qui permettait de distinguer le charlatan du professionnel de santé, c’est que ce dernier avait une boutique. Il était donc reconnu par une guilde, un ordre, il avait pignon sur rue. Il était apothicaire, et l’apothicaire a longtemps été à la fois un médecin et un préparateur.

La médecine étant plus large, et incluant notamment la chirurgie, peu à peu les deux professions se séparent. C’est en 1241 qu’un édit sépare, pour la première fois, les professions de médecins et d’apothicaire. Moins d’un siècle après, en 1312, le métier d’herboriste est reconnu. Il aura sa propre guilde. L’herboriste est n’utilise pas tous les ingrédients de l’apothicaire. Il se « limite » aux plantes, il vend les plantes médicinales et il est autorisé à faire des préparations.

L'élégante enseigne d'un apothicaire

Ancienne façade d’apothicaire dans une galerie marchande – Bordeaux

Au XVIII° siècle, Louis XVI et son ministre Turgot suppriment les corporations et en même temps réorganisent les professions médicales. Un décret institue les pharmaciens comme successeurs des apothicaires, en 1777, les herboristes en 1778. Les diplômes d’herboristes sont délivrés par la Faculté de Médecine.

Le développement des grands laboratoires industriels va peu à peu vider le métier de pharmacien d’une partie de sa substance : les préparations effectivement réalisées en officine sont désormais très rares.

La suppression du métier d’herboriste est une victoire des pharmaciens, qui ont toujours chercher à prendre le pas sur les autres professions médicales, notamment les épiciers (eh oui, au Moyen-Âge un épicier pouvait vendre des remèdes), les « chirurgiens-barbiers », bref tout ce qui ne porte pas le titre de médecin.

L’herboristerie : un savoir médical spécifique et un choix de pratique médicale

Aujourd’hui, en France, les seuls herboristes autorisés sont donc des pharmaciens, ou bien des professionnels autorisés à vendre une liste limitée de cent-quarante-huit plantes.

Or l’herboristerie est un choix de mode de soins, naturel. L’herboristerie et la phytothérapie ne sont pas des médecines douces, ni des traitements homéopathiques. Ou du moins pas systématiquement. De nombreuses plantes ont des effets très puissants.

Fleurs d'alchemille en cours de développement

L’alchemille fait partie des plantes autorisées aux herboristes. Appelée aussi le « manteau de dames », elle est utilisée depuis le Moyen-Âge. On dit notamment qu’elle empêchait les seins de trop grossir

En réalité, l’herboristerie pourrait être qualifiée de « médecine bio ». Soigner par les plantes, c’est éviter les antibiotiques, les médicaments chimiques, c’est pratiquer une médecine plus respectueuse du corps et de l’environnement.

Limiter la pratique de l’herboristerie à des pharmaciens formés selon le cursus normal, alors  qu’il n’y a plus d’enseignement spécifique de l’herboristerie médicale en France, c’est d’une certaine façon, organiser la disparition du métier.

Les quelques formations en herboristerie qui existent sont limitées par le cadre légal à cette fameuse liste de cent-quarante-huit plantes autorisées à la vente libre, qui, sauf, exceptions, ne peuvent pas être associées.

Il est impossible de demander à un pharmacien qui a déjà passé entre cinq et huit années dans une formation très compétitive de « rempiler » pour trois ans, pour apprendre à fond l’herboristerie.

De plus, la formation d’herboriste intègre tout ce qui concerne la culture et la récolte des plantes, qui sont des aspects « agricoles » qui ne sont pas vus en pharmacie.

Donc le cercle vicieux est bien en place : pas de métier, pas de formation diplômante, pas d’élèves… et une perte des connaissances

Un jardin avec les carrés d'herbes médicinales

Jardin traditionnel d’herboriste – Ockelbo (Suède)

On arrive donc à un paradoxe : l‘herboriste a le droit de vendre des herbes médicinales, mais il n’a pas le droit de donner des conseils d’utilisation (ce qui serait de l’exercice illégal de la médecine). Ce qui finalement, est bien pire pour le client final.

L’herboristerie existe toujours dans d’autres pays

Même si elle n’est pas reconnue en tant que telle dans la plupart des pays européens, l’herboristerie est une spécialité autorisée à des personnes formées à la santé qui n’ont pas le diplôme de médecin ou de pharmacien. Les « Heilpraktiker » allemands, les herboristes néerlandais sont dans ce cas.

Au Royaume-Uni, les « herbal practicioners » sont reconnus en tant que tels, et organisés dans des associations professionnelles. Le statut est en cours de révision, à cause de l’impact de la législation européenne.

Boutique d'herboriste à Marrakech

Au Maroc, les herboristes vendent encore des épices et des préparations « magiques »

Au Canada, les herboristes sont soumis au Règlement sur les Produits de santé naturels (qui étend et adapte le régime des médicaments aux préparations à bases de plantes). Les herboristes sont organisés dans la Guilde des Herboristes qui peut vous accréditer comme herboriste thérapeute. Ce statut reste limité par les autres professions de santé : un herboriste n’est pas un médecin.

C’est bien la preuve que l’herboriste peut trouver sa place à côté des pharmaciens et des autres professionnels de santé.